Résumé : |
La donation pieuse, à l’origine de l’immense majorité des stèles érigées dans les villages du Vietnam, a joué un rôle essentiel dans la vie économique, sociale et religieuse depuis le VIIe siècle. Loin d’être immobile, cette longue histoire de la charité commence avec des dons gracieux accordés aux sanctuaires par des grands personnages et des moines ; elle se poursuit avec d’innombrables cohortes de donateurs secondaires, issus de milieux sociaux plus ordinaires, qui vont peu à peu se distinguer par des dédicaces privées à l’attention des défunts de leurs familles, puis s’extraire des mouvements collectifs en isolant leur donation et leur histoire sur leurs propres stèles. Et soudain, vers 1630, apparaît la grande innovation : l’élévation des donateurs au rang d’Épigones du Bouddha ou de la Divinité tutélaire. Pourvus d’un titre religieux et de privilèges cultuels garantis par un contrat, honorés par les villageois à dates régulières, ils accèdent à la semi-divinité. La subtilité de cette procédure, qui explique son succès fulgurant, c’est qu’elle ajoutait au don gracieux, versé en numéraire, un don foncier dont le revenu régulier finançait le culte des Épigones « pour l’éternité ». C’était une fondation pieuse, mais ouverte aux femmes et à toutes les catégories sociales, depuis les grands mandarins et les princesses de la cour jusqu’aux odalisques, aux notables et aux paysannes. |